
Contrairement à l’idée reçue, la performance du compactage pour les grands ouvrages au Québec ne réside plus dans la seule force brute, mais dans la maîtrise de la donnée en temps réel.
- Les technologies intelligentes (rouleaux GPS, BIM) permettent une traçabilité complète et optimisent les opérations en garantissant une densité uniforme.
- Le traitement in-situ des sols (chaux, ciment) et les essais non destructifs, comme la Méthode Sherbrooke, sont des leviers de performance et de durabilité essentiels face au climat québécois.
Recommandation : L’enjeu stratégique pour tout directeur de projet est de migrer d’un contrôle qualité ponctuel à un processus d’assurance qualité continu et documenté, créant un véritable procès-verbal numérique du chantier.
Pour l’ingénieur en charge d’un grand projet d’infrastructure au Québec, le compactage est bien plus qu’une simple étape de terrassement. C’est le fondement sur lequel repose la sécurité, la durabilité et la rentabilité de l’ouvrage pour des décennies. Face à un cahier des charges exigeant une portance et une densité sans faille, la vision traditionnelle du compacteur se déplaçant sur un remblai apparaît rapidement obsolète. Les défis sont immenses : des sols argileux sensibles, omniprésents sur le territoire, aux cycles de gel-dégel qui mettent à rude épreuve la stabilité des chaussées, chaque chantier est une confrontation avec les forces de la nature et les contraintes réglementaires.
La réponse habituelle consiste à augmenter le nombre de passes ou à choisir un engin plus lourd. Or, cette approche atteint vite ses limites, tant en termes de performance que d’efficience. L’ingénierie moderne du compactage ne se demande plus seulement « comment tasser ? », mais plutôt « comment garantir et prouver que chaque mètre carré atteint la performance géotechnique cible ? ». La véritable innovation ne se trouve plus dans le poids de l’acier, mais dans l’intelligence des systèmes embarqués, la chimie des matériaux et la précision des méthodes de contrôle. C’est une transition d’une culture du résultat visible à une science de la performance validée.
Cet article explore les solutions de pointe qui répondent à ces exigences. Nous allons dépasser les techniques conventionnelles pour analyser des méthodes qui transforment la nature même du sol, des systèmes qui digitalisent le contrôle qualité et des stratégies qui permettent d’intervenir dans les conditions les plus extrêmes. L’objectif est de fournir aux directeurs de projet et ingénieurs géotechniciens les clés pour construire des ouvrages non seulement stables, mais véritablement pérennes dans le contexte québécois.
Cet article est structuré pour vous guider des techniques les plus puissantes aux méthodes de validation les plus fines, en passant par les stratégies d’optimisation des matériaux et de la logistique. Chaque section aborde une facette de l’ingénierie de compactage moderne, toujours dans la perspective des défis spécifiques aux grands ouvrages québécois.
Sommaire : Les technologies de compactage avancées pour le génie civil québécois
- Comment un poids de 20 tonnes en chute libre peut rendre votre sol aussi dur que du roc
- Le compactage à l’ère du numérique : comment les rouleaux intelligents garantissent un résultat parfait
- Transformer la boue en béton : la magie du traitement des sols à la chaux et au ciment
- Compacter là où personne ne peut aller : les techniques pour les zones difficiles d’accès
- Voir à travers le sol : comment vérifier la qualité du compactage sans avoir à tout creuser
- Le bon outil pour chaque tassement : quand utiliser une plaque vibrante ou un rouleau compacteur ?
- Le chantier sous haute surveillance : les tests qui assurent que votre ouvrage ne s’effondrera pas
- Votre terrain n’est pas une éponge : l’art de gérer l’eau pour des fondations saines et durables
Comment un poids de 20 tonnes en chute libre peut rendre votre sol aussi dur que du roc
Le compactage dynamique (CD) est une technique de densification des sols en profondeur qui dépasse largement la simple action de surface d’un rouleau. Le principe est brutalement simple en apparence : une masse en acier, pesant de 10 à 40 tonnes, est soulevée par une grue à une hauteur pouvant atteindre 30 mètres avant d’être lâchée en chute libre. L’impact génère une onde de choc qui se propage dans le sol, forçant le réarrangement des particules et l’expulsion de l’eau interstitielle, ce qui consolide le terrain sur plusieurs mètres de profondeur. Cette méthode est particulièrement efficace pour traiter de grandes surfaces de remblais granulaires ou pour améliorer la capacité portante de sols de fondation médiocres.
Au Québec, cette technologie trouve un champ d’application critique. Une grande partie du réseau routier repose sur des sols argileux, notamment ceux de la mer de Champlain, qui sont connus pour leur sensibilité à l’eau et leur faible portance. Comme le souligne le Laboratoire d’Études des Ressources Naturelles de l’Université Laval :
La majeure partie du réseau routier du ministère des Transports du Québec repose sur des sols argileux. Ces sols sont relativement bien connus et même très bien documentés à l’intérieur des limites de la mer Champlain et de la mer Laflamme.
– LERN – Laboratoire d’Études des Ressources Naturelles, Université Laval, Projet de recherche : Argiles du Bas-Saint-Laurent
L’énergie colossale délivrée par le compactage dynamique permet de traiter ces formations complexes en profondeur, réduisant les tassements différentiels à long terme. C’est une solution d’ingénierie fondamentale pour préparer les plateformes de grands ouvrages comme les aéroports ou les parcs industriels. L’enjeu n’est pas seulement d’atteindre une densité cible, mais de créer une masse de sol homogène et stable, capable de résister aux contraintes climatiques extrêmes du Québec, où la profondeur de gel peut varier de 1,2 à 3,0 mètres, induisant des contraintes cycliques considérables sur les infrastructures.
En somme, le compactage dynamique n’est pas une force aveugle, mais une injection contrôlée d’énergie, calculée par l’ingénieur géotechnicien pour atteindre des objectifs de performance structurelle que les méthodes de surface ne pourraient jamais garantir.
Le compactage à l’ère du numérique : comment les rouleaux intelligents garantissent un résultat parfait
L’avènement du compactage intelligent, ou « Intelligent Compaction » (IC), marque une rupture technologique majeure. Fini le temps où la qualité du compactage dépendait uniquement de l’expérience de l’opérateur et d’un nombre de passes prédéfini. Les rouleaux compacteurs modernes sont désormais des plateformes de collecte de données en temps réel, équipées de capteurs, d’accéléromètres et de systèmes de positionnement GPS de haute précision. Ces systèmes mesurent en continu la rigidité du sol sous le cylindre, permettant d’ajuster dynamiquement la fréquence et l’amplitude des vibrations pour appliquer l’énergie de compactage optimale. Le résultat est affiché sur un écran en cabine sous forme de cartographie couleur, indiquant à l’opérateur les zones qui ont atteint la portance cible et celles qui nécessitent des passes supplémentaires.

Cette approche offre un double avantage : une amélioration de la qualité et une optimisation des opérations. En garantissant une rigidité uniforme sur toute la surface, on élimine les points faibles, sources potentielles de défaillances futures. De plus, en évitant les passes inutiles sur les zones déjà conformes, on réalise des économies substantielles. Les systèmes de compactage intelligents permettent une réduction de la consommation de carburant pouvant aller jusqu’à 15% par rapport aux méthodes traditionnelles.
L’intégration de ces données dans un environnement de Modélisation des Données du Bâtiment (BIM) est la prochaine frontière. Elle permet de créer un véritable « procès-verbal numérique » du chantier.
Étude de cas : Intégration BIM sur le projet du Réseau Express Métropolitain (REM) de Montréal
Le projet du REM, un réseau de transport léger sur rail de 67 km, est un exemple phare de l’application de ces technologies au Québec. Comme le détaille un document technique du ministère des Transports, le projet utilise une plateforme BIM collaborative pour intégrer la conception et la construction. Les données issues du compactage intelligent peuvent ainsi être superposées en temps réel à la maquette numérique 3D des terrassements, offrant aux ingénieurs une vision complète et une traçabilité sans précédent pour l’assurance qualité des fondations de la voie ferrée.
Pour le directeur de projet, la valeur de cette traçabilité est inestimable : elle constitue une preuve irréfutable de la conformité de l’ouvrage aux exigences du cahier des charges, simplifiant la réception des travaux et protégeant l’entreprise en cas de litige.
Transformer la boue en béton : la magie du traitement des sols à la chaux et au ciment
Lorsque les sols en place présentent des caractéristiques géotechniques médiocres – forte teneur en eau, faible portance, plasticité élevée – la solution traditionnelle consiste à les excaver et à les remplacer par des matériaux de carrière de meilleure qualité. Cette approche « excaver et remplacer » est non seulement coûteuse, mais elle génère également un trafic de camions important et une empreinte carbone considérable. Le traitement des sols aux liants hydrauliques (chaux et/ou ciment) offre une alternative d’ingénierie durable et performante. Cette technique consiste à mélanger in-situ le sol avec un pourcentage précis de liant. Les réactions chimiques qui s’ensuivent modifient en profondeur et de manière irréversible la structure du sol.
L’ajout de chaux à un sol argileux provoque une floculation immédiate des particules d’argile, réduisant la teneur en eau et rendant le matériau plus facile à travailler (terrassement). Sur le long terme, une réaction pouzzolanique crée des silicates et aluminates de calcium hydratés, liant les particules entre elles et augmentant significativement la portance (CBR) et la durabilité. Le ciment, quant à lui, agit plus rapidement et est efficace sur une plus large gamme de sols, y compris les limons et les sables. Une étude de l’École de technologie supérieure (ÉTS) a d’ailleurs conclu qu’un mélange de 7% de ciment pour une teneur en eau de 12,7% offrait les meilleures performances pour les sols québécois typiques en termes de résistance à la compression et aux cycles de gel-dégel.
L’avantage environnemental est majeur. En valorisant les matériaux déjà sur site, on réduit drastiquement les besoins en transport. Selon l’Association Canadienne du Ciment, le traitement des sols in-situ peut entraîner une réduction des émissions de GES de 50 à 75% comparé à l’importation de matériaux granulaires. C’est une stratégie clé pour décarboner les chantiers de construction.
Le traitement des sols par un liant hydraulique vise à rendre un sol, dont les caractéristiques ne seraient pas adéquates, apte à supporter une chaussée, une plateforme ou tout simplement le passage d’engins de travaux, tout en le rendant résistant aux aléas climatiques auxquels il peut être soumis.
– LERM – Laboratoire d’Études et de Recherche sur les Matériaux, Guide technique : Le traitement des sols en place à la chaux
Pour l’ingénieur, c’est un outil puissant qui transforme une contrainte (un sol médiocre) en une opportunité (une couche de fondation performante, économique et durable), parfaitement adaptée aux exigences des grands ouvrages.
Compacter là où personne ne peut aller : les techniques pour les zones difficiles d’accès
Les grands projets d’infrastructures au Québec s’étendent souvent sur des territoires vastes et accidentés, loin des réseaux routiers établis. Le déploiement d’équipements de compactage lourds dans le cadre du Plan Nord, sur les terrains isolés de la Côte-Nord ou dans les zones montagneuses de la Gaspésie, représente un défi logistique et technique de premier ordre. Lorsque les voies d’accès sont inexistantes ou incapables de supporter le poids des engins, l’ingénierie doit faire preuve de créativité pour acheminer et opérer les équipements nécessaires à la préparation des plateformes.
L’une des stratégies les plus spectaculaires est le recours à l’héliportage. Des équipements de compactage plus légers et modulaires, comme des plaques vibrantes de grande capacité ou des petits rouleaux, peuvent être transportés par hélicoptère et déposés directement sur la zone de travail. Cette méthode, bien que coûteuse, est souvent la seule viable pour la construction de fondations de pylônes, de stations de télécommunication ou de pistes d’atterrissage en milieu isolé. La géologie du Québec, avec ses vastes étendues de roc affleurant et ses tourbières, rend cette approche particulièrement pertinente, comme le démontrent les méthodes de travail des services géologiques gouvernementaux pour leurs campagnes d’exploration.

Dans d’autres contextes, comme la stabilisation de talus le long de routes côtières sinueuses, l’enjeu n’est pas l’isolement mais l’exiguïté et la pente. Des techniques de compactage par plaques vibrantes montées sur pelles araignées ou des équipements de projection de béton (shotcrete) sont alors mobilisées. Le projet de stabilisation du talus du pic de l’Aurore sur la route 132 en Gaspésie en est un exemple marquant. Ces travaux complexes, essentiels pour la sécurité d’un axe économique vital, illustrent la capacité à déployer des solutions sur mesure.
La route 132 est un lien vital de la Gaspésie sur lequel reposent l’économie et le tourisme. Ce projet démontre clairement la volonté de votre gouvernement d’agir afin d’offrir un réseau routier qui contribuera à l’essor économique de la région.
– Jonatan Julien, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Communiqué gouvernemental sur le projet de stabilisation de talus – Route 132
L’ingénieur de projet doit donc intégrer ces contraintes d’accès dès la phase de planification pour sélectionner l’équipement et la méthode qui garantiront l’atteinte des objectifs de compactage, même dans les conditions les plus hostiles.
Voir à travers le sol : comment vérifier la qualité du compactage sans avoir à tout creuser
Atteindre la densité requise est une chose ; le prouver en est une autre. Traditionnellement, le contrôle qualité du compactage repose sur des essais destructifs ou ponctuels, comme le prélèvement d’échantillons pour des tests en laboratoire ou l’utilisation du nucléodensimètre. Si cet appareil est une norme du ministère des Transports du Québec (MTQ) depuis des décennies, il présente des contraintes : risques radiologiques, coûts opérationnels et nécessité d’arrêter le chantier pour effectuer les mesures. Aujourd’hui, les technologies d’auscultation non destructives (NDT) offrent des alternatives rapides, sécuritaires et beaucoup plus complètes.
Le géoradar (GPR), par exemple, permet de « scanner » les couches de chaussée et d’identifier des anomalies de densité ou des variations d’épaisseur sur de grandes surfaces, sans aucune intervention intrusive. Le déflectomètre à plaque légère (LWD), quant à lui, mesure le module de déformation du sol en simulant l’impact d’une charge. C’est une méthode rapide et économique pour évaluer la portance, avec un coût estimé à environ 3$ CAD/m². Cependant, l’innovation la plus significative pour le contexte québécois est peut-être la Méthode Sherbrooke.
Développée comme une alternative au nucléodensimètre, cette méthode est un enjeu stratégique pour les chantiers au Québec. Un rapport du MTQ met en avant ses avantages :
Étude de cas : La Méthode Sherbrooke, une innovation du MTQ
Face aux contraintes du nucléodensimètre, le ministère des Transports du Québec a soutenu le développement de la Méthode Sherbrooke. Ce procédé, simple et peu coûteux, permet d’évaluer le potentiel de contrôle du compactage pour les sols typiquement utilisés dans les infrastructures routières québécoises. Comme le précise le rapport technique, elle représente une solution de rechange viable et sans risque radiologique, ce qui simplifie grandement la logistique et la sécurité sur les chantiers, tout en fournissant des données fiables pour l’assurance qualité.
L’adoption de ces technologies NDT change la nature même du contrôle. On passe d’une vérification par points discrets à une cartographie complète et continue de la performance. Cette masse de données, géoréférencée et horodatée, constitue la base du procès-verbal numérique du chantier, un document essentiel pour la validation des ouvrages et la gestion de la responsabilité décennale.
Pour le directeur de projet, ces outils sont des alliés précieux qui accélèrent les validations, réduisent les risques et fournissent une documentation irréfutable de la qualité du travail accompli.
Le bon outil pour chaque tassement : quand utiliser une plaque vibrante ou un rouleau compacteur ?
Le choix entre une plaque vibrante et un rouleau compacteur ne se résume pas à une question de taille de chantier. C’est une décision stratégique qui dépend d’une matrice de facteurs : le type de sol, l’épaisseur des levées, la surface à traiter, mais aussi les contraintes environnementales et réglementaires spécifiques au contexte québécois. Un ingénieur avisé ne choisit pas l’outil le plus puissant, mais le plus adapté. Les sols granulaires (sable, gravier) réagissent bien aux vibrations à haute fréquence des plaques, tandis que les sols cohésifs (argiles, silts) nécessitent la combinaison du poids et des vibrations à basse amplitude d’un rouleau, souvent à pieds dameurs, pour une densification en profondeur.
Dans les zones urbaines denses comme le Vieux-Montréal ou près des bâtiments historiques du Vieux-Québec, la limitation des vibrations est une contrainte non négociable pour préserver les structures avoisinantes. De même, les réglementations municipales sur le bruit restreignent l’utilisation d’équipements thermiques bruyants. C’est là que les plaques vibrantes électriques de nouvelle génération, plus silencieuses, offrent un avantage concurrentiel décisif. Pour les grandes surfaces dégagées d’un projet autoroutier, le rendement d’un grand rouleau compacteur reste inégalé.
La décision peut être synthétisée dans une matrice décisionnelle, contextualisée pour les chantiers québécois. Le tableau suivant présente une analyse comparative pour guider le choix de l’équipement optimal.
| Critère de Sélection | Plaque Vibrante Traditionnelle | Rouleau Compacteur | Plaque Électrique Silencieuse (Moderne) |
|---|---|---|---|
| Zones urbaines / Patrimoine (Vieux-Québec, Vieux-Montréal) | Limité (bruit) | Non recommandé | Excellent (réduction bruit 20-30 dB) |
| Type de sol : Granulaire (sable, gravier) | Excellent | Bon | Bon |
| Type de sol : Argile / Silteux | Limité | Excellent | Limité |
| Épaisseur levée : < 15 cm | Excellent | Non applicable | Excellent |
| Épaisseur levée : 15-50 cm | Bon | Excellent | Bon |
| Surface : < 100 m² | Excellent | Non recommandé | Excellent |
| Surface : > 500 m² | Limité | Excellent | Bon |
| Proximité bâtiments existants (vibrations limitées) | Moyen | Mauvais | Excellent |
| Réglementation heures de travail (Montréal, Québec) | Favorable | Restrictif | Favorable |
| Coût de location journalier | Moins cher (~50-100$ CAD/jour) | Plus cher (~150-300$ CAD/jour) | Coût intermédiaire (~120-200$ CAD/jour) |
En fin de compte, l’excellence opérationnelle réside dans la capacité à déployer le bon outil, au bon endroit, en parfaite adéquation avec les objectifs de performance et les contraintes du site.
Le chantier sous haute surveillance : les tests qui assurent que votre ouvrage ne s’effondrera pas
La performance d’un compactage ne se décrète pas, elle se mesure et se valide à chaque étape du processus. Mettre en place un programme d’assurance qualité rigoureux est la seule façon de garantir que les fondations de l’ouvrage répondront aux exigences de portance et de durabilité, notamment face aux rudes conditions climatiques québécoises. Ce programme s’articule autour d’une série de tests normalisés, réalisés en laboratoire pour définir les cibles, puis in-situ pour vérifier leur atteinte. Le point de départ est l’essai Proctor modifié (norme CAN/BNQ 2501-255). Réalisé sur des échantillons de sol prélevés sur le site, il détermine la relation entre la teneur en eau et la masse volumique sèche maximale que l’on peut atteindre. C’est cette valeur cible qui servira de référence tout au long du chantier.
Sur le terrain, le contrôle de la densité est classiquement effectué avec un nucléodensimètre, qui mesure la masse volumique et la teneur en eau en place. Ces mesures sont comparées au Proctor pour calculer le pourcentage de compacité atteint. Mais la densité seule ne suffit pas. Il faut également s’assurer de la capacité portante du sol, via des essais à la plaque ou avec un déflectomètre, qui mesurent la déformation du sol sous une charge définie. Un indice CBR (California Bearing Ratio) d’au moins 3 est souvent exigé pour les couches de forme afin de garantir une insensibilité à l’eau.
Enfin, la spécificité du Québec impose des tests de durabilité. Les écarts de température annuels pouvant atteindre 60 à 70°C et une période de gel prolongée rendent les essais de résistance aux cycles gel-dégel et séchage-mouillage (normes ASTM) absolument cruciaux pour valider la pérennité du compactage.
Plan d’action pour l’assurance qualité du compactage (Normes MTQ)
- Définir les cibles de masse volumique sèche via essai Proctor modifié en laboratoire (norme CAN/BNQ 2501-255) avec des échantillons représentatifs du sol du chantier.
- Mettre en place un programme de contrôle de densité in-situ via nucléodensimètre (équipement standard MTQ) ou méthode alternative validée, à chaque levée de compactage (fréquence minimale : 1 point par 1000 m², à concentrer dans les zones critiques).
- Réaliser des essais de portance (plaque, LWD) après avoir atteint 95% de la compacité cible pour vérifier l’indice de portance (ex: CBR ≥ 3) et l’insensibilité à l’eau.
- Effectuer des essais de résistance au gel-dégel et séchage-mouillage (ASTM D559/D560) sur des éprouvettes pour valider la durabilité de la structure face aux cycles saisonniers québécois.
- Documenter systématiquement tous les résultats (horodatage, géoréférencement) dans la maquette BIM ou un registre de chantier pour constituer le procès-verbal numérique, servant de preuve légale de conformité.
Cette approche systématique transforme le contrôle qualité d’une simple vérification en un véritable pilotage de la performance, protégeant l’ingénieur et l’entrepreneur contre les risques de non-conformité et de défaillances futures.
À retenir
- La performance en compactage au Québec est dictée par la maîtrise des sols locaux (argiles sensibles) et la résistance aux cycles de gel-dégel.
- Les technologies de compactage intelligent et d’essais non destructifs (Méthode Sherbrooke) sont des leviers essentiels pour l’assurance qualité et l’optimisation des chantiers.
- La traçabilité numérique (BIM, GPS) n’est plus une option mais une nécessité pour prouver la conformité et gérer la responsabilité décennale.
Votre terrain n’est pas une éponge : l’art de gérer l’eau pour des fondations saines et durables
La gestion de l’eau est le paramètre le plus critique et le plus complexe de toute opération de compactage. La teneur en eau d’un sol gouverne sa capacité à être densifié : trop sec, les frictions inter-particulaires empêchent le tassement ; trop humide, la pression de l’eau interstitielle s’oppose à la compaction et le sol se déforme plastiquement. L’objectif est toujours de travailler à la teneur en eau optimale Proctor, là où la densité maximale peut être atteinte pour une énergie de compactage donnée. Dans la réalité des chantiers québécois, soumis à des précipitations imprévisibles, maintenir cet équilibre est un défi constant.
La problématique est exacerbée par la nature des sols locaux. Les sols silteux et argileux, très répandus, sont particulièrement sensibles au gel en raison de leur forte teneur en eau et de leur faible perméabilité. Une étude du MTQ sur les matériaux recyclés rappelle que l’aptitude d’une route à résister aux effets du gel-dégel est principalement déterminée par la qualité de sa couche de fondation et sa capacité à drainer l’eau. La présence d’eau libre dans la structure de chaussée en hiver peut conduire à la formation de lentilles de glace, qui provoquent un soulèvement du sol (le « gel »), suivi d’une perte de portance dramatique lors du dégel au printemps.
Comme le souligne une recherche de l’Université Laval, la complexité des sols québécois varie géographiquement, ajoutant un niveau de difficulté pour l’ingénieur :
Les sols argileux à l’Est de la ville de Québec, plus particulièrement ceux de la région du Bas-Saint-Laurent (mer de Goldthwait), sont quant à eux moins bien connus et présentent des caractéristiques particulières rendant difficiles les essais in situ, l’échantillonnage et l’utilisation des corrélations existantes.
– LERN – Laboratoire d’Études des Ressources Naturelles, Université Laval, Projet de recherche : Argiles du Bas-Saint-Laurent
La stratégie ne consiste donc pas seulement à compacter, mais à construire un système de fondation drainant, en utilisant des matériaux granulaires avec une forte proportion de particules anguleuses pour maximiser la friction interne et la résistance au cisaillement. Des techniques comme le traitement à la chaux sont également précieuses pour réduire la sensibilité à l’eau des sols argileux de manière permanente.
Pour mettre en œuvre ces stratégies avancées et assurer la conformité de vos grands ouvrages, l’étape suivante consiste à obtenir une analyse géotechnique détaillée et un plan de contrôle qualité sur mesure pour votre projet.
Questions fréquentes sur le compactage haute performance
Quels sont les essais géotechniques prioritaires pour valider la qualité du compactage au Québec ?
Les essais Proctor modifié (CAN/BNQ 2501-255) définissent les cibles optimales en laboratoire. Sur le terrain, les essais CBR, l’indice de portance à la plaque française (NF P 94-117-1), et le densitomètre nucléaire (ou une méthode alternative validée comme la Méthode Sherbrooke) valident la qualité. Pour les risques spécifiques à la sismicité modérée du Canada, des essais de liquéfaction des sables doivent être envisagés en zones sensibles.
Comment les technologies non destructives réduisent-elles les délais de validation sur chantier ?
Le LWD (Light Weight Deflectometer) et le géoradar (GPR) permettent une acquisition continue de données plutôt que par points discrets. Cette cartographie exhaustive crée un ‘procès-verbal numérique’ du compactage en temps réel, accélérant l’acceptation des ouvrages par les donneurs d’ordre sans arrêt du chantier pour essais destructifs.
Quels bénéfices apporte la documentation numérique du compactage en cas de litige ?
Une documentation traçable, horodatée et cartographique (via GPS et BIM) constitue la meilleure défense pour ingénieurs et entrepreneurs en cas de litige post-construction. Elle prouve la conformité aux normes et spécifications et constitue un élément de preuve essentiel pour la gestion de la responsabilité décennale en construction.