Vue aérienne d'une infrastructure de pont moderne en béton et acier traversant un fleuve, symbolisant la durabilité structurelle et l'ingénierie civile contemporaine.
Publié le 15 mars 2024

La vraie construction verte au Québec n’est plus de limiter les dégâts, mais de transformer chaque phase du chantier en un levier de création de valeur écologique et économique.

  • Le tri intelligent des déchets peut diviser les coûts d’évacuation par trois tout en générant des revenus.
  • Le choix de matériaux biosourcés locaux comme le béton de chanvre permet de stocker activement du carbone.

Recommandation : Adoptez une vision de « métabolisme de chantier » pour analyser les flux de matières et d’énergie, et transformer les contraintes réglementaires en profits et en impacts positifs.

Face à l’urgence climatique, l’image du chantier de construction au Québec est en pleine mutation. Pour le maître d’ouvrage ou l’architecte consciencieux, le bruit, la poussière et l’inévitable conteneur débordant de déchets mélangés sont devenus des symboles d’une approche dépassée. La tentation est grande de concentrer ses efforts écologiques sur le bâtiment fini : une isolation performante, des fenêtres triple vitrage, voire des panneaux solaires sur le toit. Ces éléments, bien que cruciaux pour la performance énergétique à long terme, occultent une vérité fondamentale : la plus grande bataille écologique se gagne bien avant la remise des clés.

La phase de construction elle-même est un concentré d’impacts environnementaux, un « chaos organisé » qui consomme des ressources, perturbe les sols et génère des tonnes de résidus. Les solutions habituelles, comme se conformer aux normes minimales ou protéger les quelques arbres restants, ne suffisent plus. Elles relèvent d’une logique de limitation des dégâts, pas de création de valeur. Mais si la véritable clé n’était pas de simplement réduire l’empreinte négative, mais de transformer le chantier en une force régénératrice ? Si chaque déchet devenait une ressource, chaque mètre carré perturbé une opportunité d’enrichir la biodiversité, et chaque choix de matériau une décision active de stockage de carbone ?

C’est la transition d’une mentalité de conformité à celle d’un « éco-preneur » pragmatique. Cet article vous guidera à travers les leviers d’action concrets pour repenser le métabolisme de votre chantier. Nous verrons comment maîtriser les pollutions invisibles comme la sédimentation, transformer vos poubelles en profits, décrypter le vrai bilan carbone de vos matériaux et faire de votre projet un allié actif de l’écosystème local. Préparez-vous à voir votre chantier non plus comme un problème à gérer, mais comme la première étape d’un projet à impact positif.

Cet article explore en profondeur les stratégies pratiques et rentables pour faire de votre chantier un modèle de construction verte. Vous découvrirez comment chaque décision, de la gestion des sols à celle des matériaux, peut contribuer positivement à l’environnement, bien au-delà des exigences réglementaires.

Votre chantier est-il en train de polluer la rivière voisine ? Maîtriser le risque de sédimentation

La première pollution d’un chantier n’est souvent ni un déchet plastique ni une fuite d’huile, mais quelque chose de bien plus insidieux : la terre. Le ruissellement des eaux de pluie sur les sols mis à nu transporte des particules fines, les sédiments, qui finissent leur course dans les cours d’eau, les lacs et les milieux humides avoisinants. Cette « eau brune » que l’on croit anodine est une véritable menace écologique. Elle étouffe les habitats aquatiques, bloque la lumière essentielle à la flore et véhicule d’autres polluants. Au Québec, la gestion de ce risque est encadrée, mais l’approche proactive va bien au-delà de la simple conformité.

Le gouvernement provincial s’appuie sur des critères gouvernementaux québécois pour l’évaluation de la qualité des sédiments, basés sur l’approche du CCME, pour définir des seuils de contamination à ne pas dépasser. Cependant, l’éco-preneur ne vise pas le seuil, il vise l’impact nul. Cela passe par une ingénierie préventive, où la gestion de l’eau et de l’érosion est pensée avant même le premier coup de pelle. Le but est de ralentir, filtrer et retenir l’eau sur le site le plus longtemps possible pour qu’elle dépose ses sédiments avant d’atteindre le milieu naturel.

Étude de cas : La gestion rigoureuse des sols par Parcs Canada

Dans ses projets, Parcs Canada impose un plan de gestion des sols contaminés approuvé avant toute excavation. Cette approche préventive inclut la mise en place systématique de barrières à sédiments, de bermes de rétention et de trappes à sédiments pour contrôler le ruissellement. L’entreposage temporaire des sols excavés est strictement réglementé, assurant que les matières potentiellement contaminées ne puissent migrer vers les milieux aquatiques. Ce modèle démontre qu’une planification rigoureuse en amont est la méthode la plus efficace pour maîtriser le risque de sédimentation.

La maîtrise de l’érosion n’est pas une option, mais une responsabilité fondamentale. Elle protège non seulement les écosystèmes, mais aussi la réputation du projet et prévient des coûts de remédiation potentiellement élevés. C’est le premier geste d’un chantier véritablement respectueux de son environnement.

Votre plan d’action pour un contrôle total de l’érosion

  1. Analyser le terrain : Avant toute chose, identifiez les pentes, les zones sensibles (proximité d’un cours d’eau) et les flux d’eau naturels pour anticiper le ruissellement.
  2. Stocker intelligemment : Positionnez les tas de terre, de sable et d’agrégats loin des zones de drainage et protégez-les avec des bâches pour minimiser l’érosion éolienne et hydrique.
  3. Stabiliser les sols nus : Sur les surfaces qui resteront exposées, installez rapidement des géotextiles biodégradables (jute, coco) ou des tapis anti-érosifs pour protéger le sol en attendant la végétation.
  4. Utiliser le paillis : Une couche de paillis (copeaux de bois, paille) sur les sols dénudés protège de l’impact des gouttes de pluie, limite l’évaporation et nourrit la vie microbienne du sol.
  5. Créer des pièges à sédiments : Aménagez des noues végétalisées temporaires ou de petits bassins de décantation en point bas du chantier pour que l’eau se clarifie avant d’être relâchée.

Le mythe du conteneur unique : comment transformer vos déchets de chantier en ressources

L’image est familière sur tous les chantiers québécois : un immense conteneur métallique où s’entassent pêle-mêle bois, gypse, métal, plastique, carton et isolants. Cette pratique du « conteneur unique » est le symbole même d’une vision linéaire et dépassée de la construction. C’est un passif écologique, car il condamne à l’enfouissement des tonnes de matériaux valorisables. C’est aussi un passif économique, car vous payez au prix fort pour vous débarrasser de ce que d’autres pourraient vous acheter. La réalité est simple : vos déchets de chantier sont des actifs qui attendent d’être révélés.

Le cas du gypse est emblématique. Chaque année au Québec, environ 200 000 tonnes de panneaux de gypse deviennent des déchets, représentant 15% de tous les rebuts de construction. Pourtant, le gypse est 100% recyclable. Mélangé aux autres débris dans un conteneur unique, il devient un déchet coûteux. Trié à la source, il devient une ressource pour l’agriculture ou la fabrication de nouveaux panneaux. Le passage du conteneur unique à une stratégie de tri à la source est le pivot de la rentabilité écologique. Cela demande une simple réorganisation de l’espace avec des « big bags » ou des zones dédiées pour chaque type de matériau : un pour le bois propre, un pour le métal, un pour le gypse, un pour le carton, etc.

Étude de cas : Le projet ÉCOTRI de Recyc-Québec

Pour valider cette approche, Recyc-Québec a mené le projet pilote ÉCOTRI directement sur des chantiers. En testant différentes configurations de bacs et de conteneurs pour le tri sélectif, le projet a prouvé la faisabilité et l’efficacité du tri à la source. Il a permis de documenter les meilleures pratiques pour séparer les matériaux et d’identifier les débouchés pour leur valorisation. Cette initiative a confirmé que la transition vers une économie circulaire dans la construction n’est pas une utopie, mais une démarche logistique accessible et bénéfique.

Adopter le tri à la source, c’est changer de paradigme. Ce n’est plus « gérer des déchets », mais « gérer des flux de matières ». C’est un acte fondateur de l’éco-preneur qui comprend que la performance environnementale et la performance financière vont de pair. Et comme nous le verrons, cette approche est non seulement écologique, mais aussi extrêmement profitable.

Béton, bois, acier, chanvre : quel est le vrai bilan carbone de vos matériaux de construction ?

Le choix des matériaux est l’un des piliers de la construction verte, mais il est souvent victime d’idées reçues. On oppose classiquement le bois, « matériau écologique », au béton, « polluant ». La réalité est bien plus nuancée et se cache dans un concept clé : le carbone incorporé. Il s’agit de la somme de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées durant le cycle de vie d’un matériau, de l’extraction des matières premières à son transport sur le chantier, en passant par sa fabrication. Un matériau « vert » sur le papier peut avoir une empreinte désastreuse s’il vient de l’autre bout du monde.

L’analyse du cycle de vie (ACV) est l’outil qui permet d’objectiver ce choix. Elle révèle des surprises. Par exemple, l’acier, souvent décrié, peut présenter un excellent bilan s’il est produit localement. Au Québec, ArcelorMittal produit de l’ « acier vert » à faible empreinte carbone grâce à l’hydroélectricité, émettant jusqu’à cinq fois moins de GES que l’acier importé. À l’inverse, un bois exotique, même certifié, aura un bilan carbone alourdi par son transport. Comme le soulignent des spécialistes en construction durable au Québec :

Un matériau biosourcé local est souvent un meilleur choix qu’un matériau ‘innovant’ importé d’Ontario en tenant compte de la production et du transport. L’analyse du cycle de vie complet, pas seulement la distance, détermine le véritable bilan carbone.

– Spécialistes en construction durable du Québec, Guide pratique : matériaux biosourcés locaux

L’innovation locale offre des solutions encore plus radicales. Les matériaux biosourcés comme le béton de chanvre ne se contentent pas d’émettre peu de GES ; ils en stockent. Le chanvre, en grandissant, absorbe du CO2 par photosynthèse. Ce carbone est ensuite piégé dans les murs du bâtiment. Selon des analyses certifiées, un bloc de béton de chanvre a un impact de -0,34 kg CO2 eq./UF/an, agissant comme un puits de carbone. Un bâtiment de 100 m² en béton de chanvre peut ainsi stocker activement environ 20 tonnes de CO2. Le choix des matériaux devient alors un acte militant : on ne se contente plus de construire, on dépollue l’atmosphère.

Ne vous contentez pas de protéger la nature : comment votre projet peut activement l’enrichir

L’approche traditionnelle de l’écologie sur un chantier se résume souvent à une posture défensive : installer des clôtures pour protéger un arbre, délimiter un périmètre pour ne pas empiéter sur un milieu humide. C’est une vision de « sanctuarisation », où l’on cherche à minimiser les dégâts. L’approche régénérative, portée par l’éco-preneur, est radicalement différente. Elle pose la question : « Comment mon projet, au lieu de simplement préserver, peut-il activement améliorer l’écosystème local ? ». Le chantier devient alors une opportunité d’ingénierie écosystémique.

Un exemple inspirant est celui de la faune. La construction perturbe inévitablement des habitats, mais elle peut aussi en créer de nouveaux, plus adaptés. Au Québec, les données de conservation confirment que la population de l’hirondelle bicolore est en déclin, et l’espèce est identifiée comme une priorité. Face à ce constat, un projet de construction peut intégrer des nichoirs spécifiques sur ses nouvelles structures. Ce n’est pas une contrainte, mais une contribution active à la biodiversité.

En 2021, la Fondation Trois-Rivières durable et GDG Environnement ont installé 50 nichoirs à Trois-Rivières pour favoriser la nidification de l’hirondelle bicolore. Treize nichoirs ont été occupés durant l’été, avec 4 oisillons repérés dans un nichoir et des œufs dans deux autres. […] Cet exemple démontre comment les chantiers de construction peuvent intégrer la conservation de la faune locale.

– Fondation Trois-Rivières durable, Projet Nichoirs Hirondelle Bicolore

Cette philosophie s’applique à tous les aspects du site. Un sol compacté par les engins peut être mécaniquement décompacté post-chantier pour restaurer la vie microbienne. Les eaux de pluie, au lieu d’être évacuées, peuvent être dirigées vers des zones de biorétention, de petites dépressions paysagères plantées d’espèces indigènes qui filtrent l’eau tout en créant un habitat pour les insectes. Voici quelques pistes concrètes pour transformer votre chantier en allié de la biodiversité :

  • Créer des zones de biorétention avec des plantes indigènes québécoises (Iris versicolor, Cornus sericea) pour gérer les eaux pluviales.
  • Installer des nichoirs adaptés non seulement aux hirondelles, mais aussi à d’autres espèces locales en déclin.
  • Aménager des bandes riveraines avec des techniques de génie végétal pour stabiliser les berges et améliorer la qualité de l’eau.
  • Amender les sols avec du compost local pour restaurer leur fertilité et leur capacité à soutenir un écosystème végétal riche.
  • Mettre en place un Plan de Protection et Valorisation des Arbres (PPVA) qui ne se contente pas de protéger, mais qui prévoit aussi l’aération racinaire des arbres existants et la plantation de nouvelles espèces indigènes.

Calculer l’empreinte de votre chantier : l’outil simple pour prendre les bonnes décisions

L’adage « on ne peut améliorer que ce que l’on peut mesurer » n’a jamais été aussi vrai que dans la construction verte. Parler de chantier à faible impact sans quantifier cet impact reste un vœu pieux. Pour l’éco-preneur, les chiffres sont des alliés. Ils permettent de sortir de l’approximation, de comparer des scénarios et de justifier des choix auprès des clients et des parties prenantes. Au Québec, le secteur du bâtiment est un enjeu prioritaire pour la réduction des GES, et chaque chantier a un rôle à jouer. Mesurer son empreinte carbone n’est plus une option pour experts, mais une nécessité accessible.

Heureusement, des outils puissants et gratuits démocratisent cette démarche. Oubliez les tableurs complexes et les consultants hors de prix. La clé est de se concentrer sur le carbone incorporé des matériaux, qui représente une part majeure de l’empreinte totale du chantier. Pour cela, il est essentiel de s’appuyer sur les FDEP (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) ou EPD en anglais, qui sont les « cartes d’identité » environnementales des produits de construction.

Solution pratique : L’outil EC3 (Embodied Carbon in Construction Calculator)

L’outil EC3, un calculateur de carbone incorporé gratuit et open-source, est une révolution pour les maîtres d’œuvre. Il permet de transformer une liste de matériaux issue de vos plans (ou de votre modèle BIM) en un bilan carbone clair et visuel. L’outil puise dans une vaste base de données de FDEP vérifiées pour vous permettre de comparer différentes options. Vous pouvez ainsi visualiser instantanément l’impact de remplacer un type de béton par un autre, ou de choisir un fournisseur d’acier plutôt qu’un autre. EC3 transforme la phase d’approvisionnement en un puissant levier de décarbonation.

Utiliser un tel outil change la nature des discussions. Au lieu de dire « nous choisissons du bois parce que c’est écologique », vous pouvez affirmer : « en choisissant ce bois local plutôt que cette alternative importée, nous économisons 12 tonnes de CO2 sur le projet, l’équivalent de retirer 3 voitures de la circulation pendant un an ». Cette quantification est votre meilleur argument. Elle transforme votre engagement écologique en une valeur mesurable, transparente et crédible. C’est le langage que les clients, les investisseurs et les municipalités comprennent.

Au-delà du béton : comment les nouvelles normes écologiques redéfinissent les chantiers au Québec

Un éco-preneur pragmatique sait que l’innovation ne se fait pas en vase clos, mais en surfant sur les vagues réglementaires et politiques. Au Québec, le vent souffle clairement en faveur de la construction verte. Les normes ne doivent plus être perçues comme des contraintes bureaucratiques, mais comme des signaux forts du marché et un plancher sur lequel bâtir une ambition plus grande. L’impulsion gouvernementale vers l’économie circulaire est une opportunité historique pour ceux qui sont prêts à prendre de l’avance.

En annonçant son Plan de mise en œuvre de la Feuille de route gouvernementale en économie circulaire, le gouvernement québécois a envoyé un message clair. Comme l’a souligné le ministre de l’Environnement, il s’agit de « repenser nos modes de production et de consommation et de valoriser les ressources en circulation ». Pour le secteur de la construction, cela signifie une accélération vers la déconstruction sélective, le réemploi et la valorisation des matériaux. Ceux qui adoptent ces pratiques aujourd’hui ne font pas que respecter la loi de demain ; ils se positionnent en leaders et développent un avantage compétitif durable.

Anticiper la réglementation, c’est se préparer à l’avenir. Des organismes comme l’ACQ (Association de la construction du Québec) formulent déjà des recommandations pour préparer le secteur à la transition circulaire qui s’intensifiera d’ici 2025-2030. Être en avance sur ces tendances permet de tester des modèles, de nouer des partenariats avec les filières de recyclage et de maîtriser les outils qui deviendront bientôt standards. Voici les axes stratégiques à intégrer dès maintenant :

  • Renforcer l’approvisionnement circulaire : Privilégiez systématiquement les matériaux locaux, réemployés ou issus de filières de valorisation québécoises établies.
  • Favoriser la conception circulaire : Pensez dès la planche à dessin à la future déconstruction du bâtiment. Comment les matériaux pourront-ils être démontés et réutilisés ?
  • Déployer les outils numériques : Intégrez dès aujourd’hui les analyses de cycle de vie (ACV), les FDEP et les calculateurs carbone dans vos processus décisionnels.
  • Prôner la déconstruction sélective : Abandonnez le réflexe de la démolition. Planifiez le démantèlement pour maximiser la récupération de matériaux intacts.
  • Adapter le cadre réglementaire : Exigez et appliquez des normes de gestion des déchets plus strictes que le minimum légal dans vos propres contrats.

Benne, « big bag » ou aller-retours à la déchetterie : quelle est la meilleure solution pour votre chantier ?

La décision de la logistique des déchets semble purement opérationnelle, mais elle est au cœur de la performance économique et écologique de votre chantier. Le choix entre un grand conteneur mixte, des sacs de type « big bag » pour le tri, ou des voyages vers l’écocentre local a un impact direct sur vos coûts et votre bilan carbone. L’approche du « tout-en-un » dans une benne est souvent la plus simple en apparence, mais presque toujours la plus chère et la moins vertueuse.

Une analyse comparative des coûts révèle rapidement le piège du conteneur mixte. Vous payez un prix élevé au mètre cube pour un mélange qui a peu de valeur. En revanche, le tri à la source dans des « big bags » dédiés par matériau (un pour le bois, un pour le métal, un pour le plâtre, etc.) change complètement l’équation. Les matériaux triés ne sont plus des déchets, mais des matières premières pour les filières de recyclage, qui les collectent à un coût bien inférieur, voire génèrent un revenu. Pour les plus petits volumes, l’écocentre reste une option viable, bien que son bilan écologique dépende de la distance à parcourir.

Le tableau suivant illustre clairement la différence de coût et d’efficacité entre les principales solutions de gestion des déchets de construction au Québec.

Analyse comparative des solutions de gestion des déchets
Solution Coût ($/m³) Tri sur site Entreposage Accessibilité urbaine Gain écologique
1 conteneur mixte 20 verges 65-100 $/m³ Non Volumineux Limité Faible
4 big bags + collectes spécialisées 10-20 $/m³ Oui Modulaire Élevé Très élevé
Aller-retours à l’Écocentre 0-15 $/m³ Oui Minimal Variable selon distance Moyen à élevé
Récupération ponctuelle (< 1m³) 0 $/m³ Oui S/O Très élevé Très élevé

Étude de cas : Le tri sélectif, un centre de profit

Une étude de cas sur une entreprise de rénovation montre qu’en générant 300 m³ de gravats annuels, le passage au tri sélectif a fait chuter ses coûts d’évacuation de 19 500 $ à seulement 6 000 $. De plus, en triant et vendant 150 tonnes de béton propre par an, elle a généré plus de 1 100 $ de revenus supplémentaires. L’investissement initial en équipement de tri (1 500 $) a été rentabilisé en seulement six semaines. Ce modèle, directement applicable au Québec, prouve que le tri n’est pas une dépense, mais un investissement extrêmement rentable.

À retenir

  • La gestion des déchets via le tri sélectif n’est pas un coût mais un centre de profit potentiel, réduisant drastiquement les frais d’enfouissement.
  • Le bilan carbone réel d’un matériau dépend de son analyse de cycle de vie complète (ACV), incluant production et transport, pas seulement de sa nature.
  • Un chantier peut activement enrichir la biodiversité locale en intégrant des éléments comme des nichoirs ou des zones de biorétention, passant d’une logique de protection à une logique de régénération.

Vos déchets de chantier ne sont pas des poubelles : comment les gérer intelligemment

Chaque année au Québec, les chantiers de construction, rénovation et démolition (CRD) génèrent un volume colossal de matières. Selon les statistiques de Recyc-Québec, ce sont environ 3,3 millions de tonnes de résidus qui sont générées annuellement sur nos chantiers. Face à cette montagne de « déchets », l’éco-preneur ne voit pas un problème, mais un gisement de ressources. La vision moderne de la construction circulaire repose sur un principe simple : il n’y a pas de déchets, seulement des matériaux qui ne sont pas au bon endroit. La gestion intelligente consiste à organiser leur voyage vers leur prochaine vie utile.

La bonne nouvelle est que l’infrastructure pour y parvenir existe. Le Québec compte une cinquantaine de centres de tri spécialisés dans les résidus CRD, répartis sur tout le territoire. Ces centres sont les pivots de l’économie circulaire. Ils prennent en charge les matériaux que vous avez préalablement triés sur votre chantier et assurent leur redirection vers les bonnes filières. Le bois devient des panneaux de particules, les bardeaux d’asphalte sont réintégrés dans les routes, le gypse amende les sols agricoles, et les métaux sont refondus. Chaque kilogramme de matière qui entre dans ces filières est un kilogramme qui n’est pas enfoui, économisant de l’espace, de l’énergie et des ressources vierges.

Étude de cas : Le démantèlement des portes et fenêtres

Un projet pilote mené dans les Laurentides et à Mirabel a démontré le potentiel de la déconstruction sélective. En démantelant 1 150 unités de portes et fenêtres en fin de vie, le projet a réussi à recycler ou valoriser 85% des matériaux, soit près de 15 tonnes qui ont évité l’enfouissement. Ce modèle prouve que même des produits complexes peuvent être décomposés en flux de matières premières (verre, aluminium, PVC, bois), créant des emplois locaux et alimentant les éco-centres en produits réutilisables. C’est l’économie circulaire en action.

La gestion intelligente des matières résiduelles est la pierre angulaire d’un chantier vert. Elle transforme un fardeau logistique et financier en une preuve tangible de votre engagement, tout en contribuant concrètement à bâtir une industrie de la construction plus résiliente et durable pour le Québec.

Questions fréquentes sur la gestion écologique des chantiers au Québec

Où puis-je trouver les Éco-centres du Québec acceptant les résidus de construction ?

Environ 50 centres de tri de résidus CRD sont répartis partout sur le territoire québécois. La meilleure approche est de consulter le répertoire des matières résiduelles de votre municipalité ou de contacter directement Recyc-Québec pour localiser l’Éco-centre ou le centre de tri CRD le plus proche de votre chantier.

Quels matériaux puis-je déposer aux Éco-centres ?

La plupart des Éco-centres acceptent une large gamme de matériaux de construction triés, notamment le bois non traité, le carton, le gypse, le béton, les briques, les agrégats, les métaux (ferreux et non ferreux), les bardeaux d’asphalte, ainsi que les portes et fenêtres. Il est crucial de vérifier les spécificités de votre Éco-centre local, car certaines restrictions peuvent s’appliquer.

Comment sont valorisés les déchets triés à l’Éco-centre ?

La valorisation dépend du matériau. Le bois propre est souvent transformé en panneaux de fibres ou en paillis. Les bardeaux d’asphalte peuvent être réincorporés dans le bitume routier. Le gypse recyclé peut retourner à la production de nouveaux panneaux ou être utilisé comme amendement de sol en agriculture. Les métaux, quant à eux, sont fondus pour créer de nouvelles pièces, un processus de recyclage quasi infini.

Est-ce que je peux donner mes surplus de portes, fenêtres et isolants non utilisés ?

Absolument ! De nombreux Éco-centres disposent d’Éco-boutiques ou de zones de réemploi qui acceptent les matériaux et articles en bon état : portes, fenêtres, luminaires, restants de quincaillerie ou isolants propres. C’est une excellente façon de leur donner une seconde vie. Pour les surplus, des plateformes en ligne comme Kijiji ou des groupes Facebook de dons et d’échanges locaux sont aussi des options très efficaces.

Quel est le point de bascule écologique entre Éco-centre et conteneur ?

C’est une question de calcul. Pour les petits chantiers (générant moins de 10 m³ de résidus), les voyages multiples vers l’Éco-centre peuvent devenir moins écologiques qu’une collecte optimisée par un transporteur si la distance à parcourir est grande (généralement au-delà de 20-25 km aller-retour). Il faut comparer les émissions de carburant de vos trajets avec les émissions évitées grâce au tri plus fin que vous pouvez effectuer vous-même.

L’étape suivante est simple : lors de votre prochain projet, ne commandez pas un conteneur mixte. Exigez une solution de tri à la source auprès de votre fournisseur et demandez les FDEP de vos matériaux principaux. Lancez-vous et faites de votre prochain chantier un modèle de rentabilité écologique pour le Québec.

Rédigé par Martin Tremblay, Martin Tremblay est un ingénieur civil senior avec plus de 25 ans d'expérience en géotechnique et en conception d'infrastructures majeures. Son expertise est reconnue pour l'analyse de sols complexes et la durabilité des ouvrages.